mardi 24 avril 2012

Le piano russe





Il reposait dans un silence qui semblait s'éterniser depuis des siècles, tout au fond d'une salle humide et sombre qui autrefois s'animait de voix toutes plus fortes les unes que les autres dans un bain de fumée grise.  


Les verres s'entrechoquaient et l'on trinquait joyeusement à la liberté retrouvée...
Parmi les buveurs assoiffés, cette longiligne dame aux cheveux ondulés, souriant aux hommes qui lui offraient un regard chargé de leur émoi et de leur maladresse.  Elle filait entre les tables dans une grâce et une félinité toute naturelle.  Chaque pas semblait léger, aérien et lui conférait une fluidité étonnante.


Quelque part entre deux tables rondes, elle se penchait légèrement pour murmurer à l'oreille de l'un ou écouter les propos anodins d'un autre avec un sourire charmeur mais aussi parfois un rire enjôleur qui lui permettait de séduire de façon plus affirmée les hommes attablés.  Depuis quand Miroslava s'était-elle ainsi attendrie devant un auditoire,  mâle de surcroît?  Sûrement depuis qu'elle pouvait fièrement porter ce prénom qui signifie en slave, paix et gloire.  Mais malgré la légèreté de son être, Miroslava traînait avec elle le poids de cette guerre qui s'achevait.  Son sourire, feint parfois, lui permettait d'errer ainsi parmi ses compatriotes sans leur offrir sa vérité, sa douleur, son désespoir.


En des temps meilleurs, cette grande cantatrice offrait à son public des mélodies sensuelles et chaudes dans cette salle bondée et enfumée.  La Grande Miroslava sur une scène, accompagnée de son pianiste et amant, illuminait la grande salle de son talent et de son charisme.  Ce début de vingtième siècle se permettait tout les possibles et était affamé d'avenir et de promesses.  Milovan, l'accompagnateur fidèle et amoureux de Miroslava ne la quittait jamais.  Sa musique vibrait au charme et à la voix de cette cantatrice célèbre.  Elle ne lui offrait que son corps et protégeait jalousement son âme des tourments de l'amour.


Peut-être qu'en d'autres temps ou d'autres lieux, leur histoire aurait été différente.  C'est ainsi que Miroslava déambule entre les tables, ici et ailleurs, au même moment, souriant faussement, le coeur en déroute.  Il y a quelques semaines, Miroslava a retrouvé dans le piano de Milovan ce poème de Pouchkine qu'il avait pris soin de retranscrire à la main et qui lui était adressé:


Я вас любил : любовь еще, быть может,
В душе моей угасла не совсем;
Но пусть она вас больше не тревожит;
Я не хочу печалить вас ничем.
Я вас любил безмолвно, безнадежно,
То робостью, то ревностью томим;
Я вас любил так искренно, так нежно,
Как дай вам бог любимой быть другим.  


Je vous aimais... et mon amour peut-être
Au fond du cœur n'est pas encore éteint.
Mais je saurai n'en rien laisser paraître.
Je ne veux plus vous faire de chagrin.
Je vous aimais d'un feu timide et tendre,
Souvent jaloux, mais si sincèrement,
Je vous aimais sans jamais rien attendre...
Ah! puisse un autre vous aimer autant.



Avec la disparition de Milovan durant la guerre civile russe, la voix de Miroslava s'est éteinte à jamais.  Le piano de Milovan, lui, s'est tu dans un silence profond et lourd.  



La rivière

Notre rivière que j'ai hâte de retrouver par temps clair et ensoleillé.

Silence et page blanche

Blogueuse spontanée indisciplinée... une curieuse silencieuse!
C'est bien ainsi que je me suis décrit.
Indisciplinée, sûrement!
Et très certainement silencieuse immanquablement!
La vie qui va... ici et là!
La plume qui paresse, les mots qui me délaissent...
La page blanche qui s'obstine, qui s'entête...


Ça suffit, on écrit!

vendredi 6 avril 2012

Naissance d'un livre

Un petit bijou de film sur la naissance d'un livre selon les méthodes traditionnelles d'impression et de reliure.  Un art en voie d'extinction...



Birth of a Book from Glen Milner on Vimeo.

Les oies sauvages

Un superbe texte... Un excellent album...



Elles arrivent au printemps
Sur les ailes du vent
Par les routes de l'air
Drôle de géométrie
C'est un fil qui les lie
Dans leur vol angulaire
Toutes unies à la chaîne
Derrière l'oie-capitaine
Qui connaît le chemin
Le nid originel
La toundra les appelle
Et guide leur instinct
Tour à tour elles prendront
La tête du peloton
Le temps d'une gouvernance
Jusqu'au bout de leurs forces
Elles bomberont le torse
Pour que le groupe avance
Une fois épuisées
La place sera cédée
À un autre plus fort
Et le chef volatile
Prend la queue de la file
Fier de tous ses efforts
À chaque nouveau passage
Des volées d'oies sauvages
J'entends comme un appel
Une voix qui me répète
Que malgré les défaites
On a encore nos ailes
Quelle belle leçon
Que ces oiseaux nous font
Obstinés et fidèles
Colle-moi qu'on se console
Et qu'ensemble on s'envole
Dans les draps bleus du ciel


(S. Archambault / B. Archambault)
Mes Aïeux - À l'aube du printemps